De Sète, île singulière… à cette île, la Réunion…

Une semaine inoubliable vécue pendant ces années formidables. C’était notre premier voyage réputé dans un superbe avion et par-dessus les gros nuages en pleine ascension. Divinité la Nuit apparaissait enfin et le sommeil gagnait du terrain. Nous étions confortablement placés près des hublots pour moins souffrir du décalage horaire et prêts à plonger dans un rêve imaginaire. Sa Majesté le Ciel avait viré au bleu outre-mer et nous servait de douce couverture, tandis que les Stars scintillantes envoyaient leurs clins d’œil approbateurs et accomplissaient leur show. Quant à son Altesse la Lune, elle illuminait ce tableau bien dessiné et contemplait notre romance sans arrêt, de son joli croissant doré. Je me blottissais petit à petit dans les bras de Morphée… Mais dès potron-minet, une main invisible avait transformé le décor. Réveillée par un beau steward apportant les succulents petits déjeuners accompagnés d’une musique d’ambiance, j’étais déjà prête à plaisanter et à danser… Derrière une aile de ce majestueux avion apparut l’île Bourbon, sa végétation luxuriante et ses bouches de feu, heureusement éteintes ! Maître Soleil accueillait tout simplement notre comité déchaîné, à l’aéroport Gillot, rebaptisé Rolland Garros, en hommage à cet aviateur natif de la ravissante île de la Réunion… Ici, ce ne sont plus les quatre saisons du compositeur Antonio Vivaldi, mais un charmant duo vivant en bonne entente, pardi ! L’hiver, à la fraîche, de mai à novembre et l’été, chaud et pluvieux, de décembre à avril - ne te découvre pas d’un fil !…


Le lendemain, aussitôt l’escapade commencée, tout aurait pu arriver, même Damoiselle Pluie était venue sans faire de bruit, mouillée de la tête aux pieds malgré mon épais k.way, rejouant ainsi le célèbre sketch de Dany Boon !… Quelques éclaircies plus tard, l’Astre câlinait à nouveau nos corps transis de sa délicate lumière et les enveloppait d’une douce chaleur. Ce conte de fées respirait l’atmosphère du bonheur et nous conviait copieusement aux brunchs vitaminés, buffets améliorés et rhum arrangé*. Invités cordialement à déguster les bouchons américains* - boulettes de viande de boeuf ou de porc enrobées dans une pâte fine, cuites à la vapeur, tout cela servi avec une délicieuse sauce pimentée, installés au-dessous de superbes filaos*, tout en dégustant la sublime Dodo* - bière fraîche locale. D’une évidente générosité, Mère Nature dévoilait de la sorte ses charmes somptueux. Les abondants arbres tropicaux demeuraient très appréciés, les Flamboyants aux fleurs orangées, les hauts bananiers avec leurs longues feuilles effilées. Les cocotiers géants atteignant vingt-cinq mètres de hauteur bordaient les interminables avenues. Nos déplacements s’effectuaient en autobus mais aucune sonnette ni carillon n’attirait notre attention, on devait taper deux fois dans nos mains et le car s’arrêtait, c’est certain !…

Rendez-vous en matinée, marché des Camélias, au cœur de la ville de Saint-Denis, capitale de l’île vénérée. Il y a de quoi se constituer une jolie brassée de bouquets tropicaux, arums, anthuriums, hibiscus, amaryllis, bec-de-perroquet, impatientes, roses de porcelaine, lotus et notamment leurs légendaires orchidées. Les halles couvertes, dans un quartier populaire bien animé, où notre panier se remplissait encore de produits locaux, fruits si délicieux, légumes frais et variés : bananes, mangues, goyaves, papayes, pamplemousses, oranges, mandarines, citrons, pastèques, litchis, également viandes, volailles et objets de la vie courante. Les chouchous, pâtissons, pousses de bambous et cœurs de palmiers restaient très prisés, mais j’en oublie certainement… Il fallait déambuler un peu plus loin pour découvrir le grand marché malgache ne vivotant qu’au travers des expositions permanentes des artisans, proposant aux chalands des produits venant de Madagascar, nappes brodées, vanneries… S’en suivit une très agréable marche jusqu’à l’agglomération de Saint-Gilles afin d’admirer, au travers de cette réjouissante flânerie, son port si typique. Également faire la rencontre de commerçants bienveillants, le long des immenses quais pavés, en prospectant par-ci par-là, afin de dénicher l’objet convoité ou le cadeau original à ramener.


Dans cet océan resplendissant et limpide qui caressait le sable fin, inlassablement et selon un rythme lancinant, apparaissaient le fond argenté et ses ailerons dissimulés. La température de l’eau atteignait au moins vingt-six degrés, un rêve… à la fin de l’hiver ne l’oublions pas ! Goûtant ici le plaisir de la baignade, mais seulement sur les plages des lagons protégés par des récifs coralliens. Les fortes houles et surtout redoutables requins demeuraient ainsi à distance de nos ébats aquatiques. L’élégant rivage de sable blanc hébergeait à l’année galants et soupirants mais aussi somptueux coraux et lumineux coquillages. Notre audacieuse balade en amoureux, pieds nus sous ce ciel bleu, main dans la main sans penser au lendemain, témoignait de notre amour clandestin. Un farniente lascif éternisait ce doux moment agréable de détente sans danger, mais attention, pas de sieste sous les cocotiers, les lourdes noix risquant de tomber sur votre canotier !… Ensuite, le paysage contrasté de Saint-Leu dévoilait d’une autre façon ses gigantesques falaises et son aventureuse pêche au gros. Avec le Grand Bleu, le bien nommé, l’excursion au fil de l’eau parfaitement commentée, convenait à des allures de croisière, toujours accompagnée d’un banc de gentils dauphins si malins. L’enrichissante visite de l’aquarium fit également sensation, créa en moi de nouvelles émotions, un véritable safari sous-marin fidèlement reconstitué.

“L’éclosion” de cette île si séduisante fut créée grâce à deux événements successifs.
Un premier incident volcanique réalisé par la naissance, émergente, du Piton des Neiges, ce célèbre volcan éteint depuis longtemps, qui engendra la création des grands sites de Salazie, Cilaos et Mafate. Le second entraîna l’éruption - ne vous déplaise - du fameux Piton de la Fournaise, Roi des coulées de lave rougeoyantes et larmoyantes, d’ailleurs toujours épisodiquement en activité. L’incroyable avalanche de telles beautés naturelles éblouissait nos yeux ébahis, et méritait cette inhabituelle pause par ici.


Une autre caractéristique de cette île paradisiaque est la profusion de l’eau, élément essentiel de cette végétation luxuriante. Poétiquement appelé “Le voile de la Mariée”, la merveilleuse cascade, très connue localement et située à cinq cents mètres d’altitude, restait bien visible depuis l’étroite route sinueuse. Elle faisait ressortir la blancheur immaculée de son voile de “taffetas” sur un fond de verdure presque monochrome. Les jaillissements de l’eau photographiés sous toutes les coutures pendant que mon imagination s’envolait un court instant dans l’Aventure. Je m’voyais déjà -non pas en haut de l’affiche - mais en Tarzane endiablée, me balançant de liane en liane, sautant par-dessus les filets, grimpant le long du rempart montagneux, vagabondant sur le plateau accueillant et plongeant dans cette belle chute d’eau enchantée, amortissant ainsi ma culbute… pour me glisser dans cette belle parure. Quelques âmes charitables me ramenaient soudain à la réalité, vers ce paysage insolite. Savoir profiter pleinement de la tranquillité de ces lieux et contempler l’éclat de ce panorama dépaysant demeurait unique…


Le jour suivant, en plein cœur de Saint-Denis, Place de la Mairie, à l’intérieur de sa divine Cathédrale, un bel office émouvant, unissant chansons entonnées par des choristes de nationalités confondues, accompagnées par la mélodique de notre harmonie connue, me fit monter les larmes aux yeux. A proximité se distinguait le plus important Temple typiquement Tamoul, très élevé et haut en couleurs. Visite autorisée mais en respectant cependant certaines règles - pas de tenue légère, chaussures, cuir, photos. Ses fidèles , en tenue traditionnelle, quémandaient à la sortie une obole, une offrande. Non loin de la Cathédrale également, la première grande Mosquée de France ouvrait ses portes au public. Elle pouvait être fréquentée avec un guide pieux, à l’occasion du circuit religieux. Des moments exceptionnels et tellement forts où toutes ces communautés si différentes (indienne, chinoise, cafre, “Z’oreille”*…) se côtoyaient sans aucune animosité et en parfait œcuménisme. Cette île mérite bien son nom… de la Réunion !…


Dans la rue, commerçante, du Maréchal Joffre, assis à la terrasse d’un café, à l’ombre des palmiers, nous grignotions nos sandwichs préférés “escortés” d’une fraîche boisson aromatisée. En fin de journée, nous nous offrions une longue promenade au Barachois* - esplanade aménagée en front de mer, bordée de remarquables canons rutilants et cocotiers divers si surprenants, où une vue panoramique se dévoilait à nos regards fascinés par tant d’originalité…
Le folklore local s’accoutumait à notre participation active au fameux Dipavali* - fête religieuse hindoue, par nos ovations  et acclamations. Cette impressionnante parade de groupes musicaux aux personnages joyeux, revêtus de déguisements bariolés et masqués avec leurs chars bigarrés et pittoresques, ensorcelaient nos mirettes conquises. Au passage, tous ces artistes triomphaient grâce à nos applaudissements chaleureux et enthousiastes, immortalisant ainsi à jamais cette éternelle soirée. Un grandiose feu d’artifice clôturait cette semaine de festivités. Cela s’apparentait à une cavalcade, à un corso dynamique défilant lors de nos fêtes bucoliques et villageoises…


Le lendemain, ce fut une expédition au cœur de l’extraordinaire jardin botanique où une halte sympathique s’imposait. Ses senteurs printanières fragiles et si subtiles parfumaient nos narines sensibles. Nos pieds frémissaient dans l’eau glacé de la rivière, caressant les rochers de façon très régulière. Cette Dame berçait déjà nos esprits de sa sérénade mélodieuse tandis que le vent faiblissait, comme pour aller se reposer. De plaisants gazouillis et jolies mélodies d’oiseaux exotiques ajoutaient du charme à ce firmament magique. Les Bengali vivaient en colonie. Les Cardinals, ainsi nommés pour leur plumage rouge, peu farouches, faisaient volontiers acte de présence à table. Pour un peu, ils deviendraient même des invités indésirables… Je prêtais l’oreille au milieu de ces ritournelles sereines. Tous nos sens contribuaient positivement aux généreuses réjouissances festives. S’en suivit la divertissante ferme Corail où de grosses tortues adorables barbotaient dans leurs bassins et se laissaient taquiner chaleureusement, par des caresses et des chatouillements.
Nous voilà encore fascinés par les commentaires détaillés concernant la fabuleuse usine de canne à sucre transformée en musée - Stella Matutina.

L’illustre complexe hôtelier la Résidence - Les Villas du Lagon, où fut enregistrée la première Star Academy, relâchait sa surveillance et ouvrait largement ses portes aux riches touristes et simples vacanciers. Camouflés en paparazzi surpris, surtout très discrets, caméra branchée, mes amis si complices espionnaient les stars cachées… Raté !…
Concernant l’Histoire de “Notre île La Princesse” et ses somptueuses richesses, en accompagnement avec son célèbre hymne officiel Ti fleur fanée* (refrain : Ti fleur fanée, ti fleur aimée, dia moin toujours, couc’ c’est l’amour…!!), il me faudrait bien plus qu’une semaine de repos bien mérité et ces quelques feuillets pour tout vous raconter.
Notre bel hôtel Alamanda* de Saint-Gilles déployait tout simplement ses ailes avec sa splendide piscine proche d’une véranda bien achalandée et ainsi révélait ses armes secrètes : bars à cocktails variés, punchs assaisonnés, rhums arrangés*, servis par des barmans typés très attentionnés, bonne cuisine -non pas au beurre mais épicée, et d’excellents buffets variés.


Nous commencions pourtant à prendre nos habitudes, comme à la maison en toute quiétude, mais voilà, nos chères vacances venaient de s’achever… L’avion, le car, retour à la case Départ, renouant avec le décalage “horair’”, tout en respirant un dernier grand bol d’air. Fermant les yeux pour d’autres cieux, oubliant à jamais ce bel inconnu qui n’était toujours pas venu, et qui ne saura jamais tout ce qu’il a perdu.. Un pur délice, un réel plaisir, un vrai moment de dépaysement qui m’a procuré d’agréables frissons afin de vous narrer - un p’tit coin de paradis, dans ses moindres détails. Ce merveilleux - et le mot n’est pas assez fort !… périple d’aventurière nous a tous rajeunis et réjouis. Ma plume a réveillé cet harmonieux souvenir et je partage avec vous, cher jury, Sète invitation à la rêverie, toujours en connivence avec mon adorable et inséparable muse attendrie.

* vocabulaire de l’île de la Réunion

Cet adorable texte vient de remporter le 2ème prix Carnet de voyages 2013 au 45ème concours “Rencontres-île des poètes” à Sainte-Geneviève-des-Bois.

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