Papy Georges et Mamie Germaine, je vous aime !
Publié à 16:14 dans Ma famille, Prose poétique

Enfant de pâtissiers renommés et depuis ma tendre enfance, les week-ends se déroulaient chez mes grands-parents paternels à Sète. Mamie m’avait enseigné au fur et à mesure, patiemment, par le biais du jeu, à lire, à écrire et à compter,  avec « sa bonne vieille méthode de l’époque ». A l’âge de six ans, au CP, (en 1966), première de ma classe, je reçus officiellement le Prix d’Excellence, sur le kiosque à musique de notre belle esplanade ; Egalement, l’apprentissage du vélo dans l’allée fleurie de leur villa « Les roses » au pied du Mont Saint Clair ; L’initiation aux jeux de cartes (belote, rami), aux jeux de société, notamment le Monopoly, où l’on souhaitait tous posséder les quatre gares et la fameuse Rue de la Paix. Nous jouions ensemble lors des longues soirées d’hiver. Toute la famille me faisait confiance. Aussi, seule comme une grande fille, je descendais l’impasse des abeilles jusqu’à la « Laiterie de la Colline » pour quérir le litre de lait qui bouillait aussitôt dans sa casserole. En refroidissant, une crème épaisse se déposait, tel un léger nuage blanc dans une jolie tasse à café. D’un petit doigt habile, la dégustation s’accomplissait sur le champ. Le soir, les parents me récupéraient et me chouchoutaient, enfin prête pour somnoler dans les bras de Morphée…

En l’an mil neuf cent soixante cinq, mes grands-parents firent l’acquisition d’une maison en pierre à Formiguères, au cœur des Pyrénées Orientales. Notre deuxième nid douillet été-hiver respirait la joie de vivre et le bonheur partagé Ce sympathique “do mi si la do ré“, jeu de mots tout en musique, était ancré à l’entrée du charmant village si typique. Me voici donc revenue un demi-siècle plus tôt, à la redécouverte de ce plaisant site montagnard, revivant ainsi aujourd’hui ma jeunesse d’antan. Comme une bouffée d’air frais, me remontent à l’esprit leur amour, leur gentillesse, leur patience et beaucoup d’agréables moments… Le matin par la fenêtre entrouverte, il faisait bon sentir l’odeur alléchante des croissants chauds, avec leurs croustillantes croûtes subtilement dorées au pinceau…. Tous les samedis en matinée, Mamie m’emmenait faire les courses. Producteurs et artisans locaux s’installaient sur la Place de l’Eglise pour débuter l’animation du marché. Ensuite, sans aucun bruit, tombait la nuit… Notre table fermière nappée d’une simple toile cirée tendait ses bras pour l’invitation à souper. Une télévision diffusait en noir et blanc les informations…
A la chaude saison d’été, avec mon frère Georges, nous profitions ainsi des merveilleuses journées ensoleillées. Quelle patience d’ange ils avaient ! Mamie Germaine, de son petit nom, en tenue décontractée, surveillait nos jeux de balles au lac artificiel de Matemale. Durant la plaisante promenade matinale, l’herbe verte, folle, mouillée effleurait nos genoux écorchés. K-way fermés et cannes à pêche calées, on attendait que “Dame Truite” daigne bien venir prendre son précieux déjeuner. Reines grenouilles sautaient de nénuphars en nénuphars et Damoiselles couleuvres ondulaient sur l’eau bleutée. Quelques balades forestières où le bois sec et éparpillé se laissait ramasser. Papy Georges avait déterré un petit sapin dans la forêt pour le replanter dans l’angle de notre jardin. Celui-ci grandissait au fil du temps, comme nous, bien tranquillement. Vêtus en short et tee-shirt bariolés, je me souviens comme si c’était hier, des nombreuses baignades endiablées. Ces visqueuses algues gluantes bien serrées chatouillaient nos plantes de pieds. Une palanquée de belles heures passées à s’arroser, s’amuser, nager, plonger et bien sûr ! à faire fuir le poisson longuement espéré. Papy péchait juste à côté… Tandis que nous hissions la grand’ voile pour naviguer, l’ami vent très puissant gonflait la toile pour s’amuser. Notre spacieux Zodiac glissait et serpentait sur ce gigantesque lac agité. Tout à l’identique d’une gracieuse chenille qui scintillait de mille feux étoilés.

Mes grands-parents étaient très alertes et dégourdis pendant l’agréable journée au Perthus aussi. Là-bas, nous «dévalisions» les grandes surfaces en «boissons anisées» avant d’être stockées dans la penderie aménagée. Un jour, sur le chemin du retour à Sète, notre DS couleur beige fut arrêtée sur la départementale par la volante de l’époque. “Bonjour Monsieur ! Qu’avez-vous à déclarer s’il vous plaît ?” demanda poliment le douanier. “Ho… deux bouteilles de cinq litres de Martini, une de blanc, une de rouge… Vous savez, on a une petite maison à Formiguères… et blablabla …”. “Vous pouvez y aller” lui répondit celui-ci d’un air faussement intéressé. “Ouf, on l’a échappé belle” s’exclama Papy tout content de lui… et sa charmante épouse qui lui avoue spontanément : “heureusement, car j’avais caché deux litres supplémentaires dans les valises…”. Sacrée Mamie, va ! Après ces deux mois de vacances méritées toujours appréciées, une certaine complicité, un rituel instauré, une routine bien rôdée, s’étaient installés au fil des années.

Imaginez ce même village montagnard à la fraîche saison d’hiver. De doux parfums aux bises rudes nous incitaient à respirer à pleins poumons l’air pur à Font-Romeu, assez loin quand même de notre foyer chaleureux. Mon frère et moi-même n’avions que cinq et six ans… Quel courage de parcourir toute cette longue route tous les matins… C’est loin, très loin dans le temps mais toujours présent dans ma mémoire d’antan ! Sur ce vaste domaine skiable, noyés sous cette poudre blanche, nos skis valsaient sur l’avenante poudreuse, identiques à de séduisantes danseuses. Par ci, par-là, sur l’excellente neige onctueuse, scintillaient de minuscules diamants… Papy photographiait toute sa tribu avec un polaroïd instantané noir et blanc. Tous deux déjeunaient au restaurant “Les airelles” situé en contrebas de l’unique piste. Constamment pressés d’en profiter tandis que les skieurs affamés et fatigués se reposaient, notre succulent sandwich nous redonnait des ailes. On amortissait ainsi notre forfait suspendu autour du cou par une courte bretelle. Leurs petites têtes blondes étaient adorables mais surtout increvables… Quand l’obscurité descendait sur nos maisonnettes fermées à clé, tous contemplaient la lumineuse flambée qui dansait dans notre cheminée. Celle-ci se tortillait en cadence comme de magnifiques ballerines issues de célèbres cabarets. Une douce chaleur enveloppait nos corps frigorifiés. A l’intérieur de la chambre lambrissée située au rez-de-chaussée, on se chamaillait sur les lits superposés. Mamie déposait dans nos duvets une brique chaude enveloppée dans un torchon en coton mélangé. Ainsi les petits pieds gelés se réchauffaient… Superbe et silencieuse, la pleine lune d’un seul coup, venait éclairer notre fenestrou. Admirant ainsi cette nuit étoilée, voilà qu’ici résonnait minuit enchanté…
Vers l’âge de neuf, dix printemps, la station de ski Les Angles, plus proche de notre domicile, paraissait impressionnante. Là, nous étions suspendus à l’intérieur des télécabines de quatre places, panachées aux traditionnelles couleurs catalanes, sang et or. L’originalité de ce sommet ressemblait à une gigantesque pieuvre nantie de ses huit tentacules s’étendant sur un immense domaine skiable. Pistes bleues, vertes, rouges et noire se déployaient et se croisaient par endroits, un vrai labyrinthe de blancheur immaculée. A dix-sept heures, skieurs amateurs et chevronnés redescendaient. Papy et Mamie, toujours en pleine forme, venaient alors nous rechercher vers l’Ecole de ski… Puis à douze, treize ans, demeurant sur place (un kilomètre), la naissance de la station de Formiguères a encore modifié nos habitudes. Tenant à bout de bras un épais fil de neige et tirant sur ce solide câble, notre flèche déjà en poche, nous écumions toute cette montagnette enneigée à la découverte de joies nouvelles et bosses à sensation. Voilà donc repartis les rois de la piste, leurs anges adorés pendant toutes ces superbes années… Ce doit être cela l’Amour… Bonheur, Patience et Dévouement… !!!
Cette charmante prose a rafraîchi les formidables souvenirs de ma jeunesse rendant ainsi ce brillant hommage à mes adorables grands-parents… Ma plume si légère voudrait bien s’envoler et tout partager avec vous mais il me faudrait bien plus que ces deux feuillets, vous vous en doutez !

La vie n’est-elle pas un extraordinaire livre d’images, une éphéméride où l’on tourne tous les jours une page ?

Ce charmant texte a gagné le 2e  prix 2014 de la catégorie “du souvenir et des souvenirs” de l’Association Rencontres île des poètes à Ste-Geneviève-des-Bois (91).

*Les commentaires sont clos.